Le carnet d’artiste

Le carnet d’artiste

Le carnet d’artiste, un terme entendu la première fois lors d’une conférence à un congrès AGEEM.
Qu’est-ce que c’est ? Comment le mettre en place ? Avec quel objectifs ? Voici un premier article qui apportera des réponses sur mon interprétation.

Le carnet d’artiste, d’après Mary-Eve PENANCIER

Lors d’une conférence, Mary-Eve Pénancier présente sa recherche autour du « carnet d’artiste, révélateur et générateur de compétences » avec des enseignants de maternelle. En voici un court résumé.
L’équipe se questionne sur l’intérêt de la pratique régulière du dessin. Elle interroge aussi la rencontre avec les artistes, les gestes professionnels à développer pour l’enseignant.
Protocole et expérimentation sont présentés, avec 4 principes :
– démarche exploratoire spiralaire, prendre en compte les situations problèmes : essayer
pratique artistique régulière : faire, penser, dire, avoir une intention, réfléchir. Jouer sur SUPPORT, LUMIÈRE, COULEUR, FORME, CORPS, FORMAT, MATIÈRE, OUTILS …
– construire une culture artistique
verbaliser sur sa propre production et sur celle des autres : ouvrir son espace, laisser de la place aux autres.

Après l’expérimentation, voici les constats :
« – la pratique plastique régulière favorise le développement du goût à aller de l’avant, à être curieux, à chercher à atteindre de nouveaux espaces qui s’inscrivent dans les productions.
– Un équilibre se crée entre les espaces : l’enseignant qui profite des avancées des productions pour développer d’autres stratégies d’enseignement, proposer d’autres espaces, celui plus large de la classe ou ceux plus intimes des supports plastiques. Les élèves développent des compétences dans les réponses aux situations proposées.
– ce carnet d’artiste ouvre la porte au temps : un espace de décélération, temps pour revenir sur les travaux, reprendre son travail… »

Voici les consignes proposées aux élèves lors de cette expérimentation, cliquez pour ouvrir le document avec 50 consignes :  50 PRINCIPES POUR DESSINER

Une première expérimentation : essayer, analyser, apprendre

A partir de ces 50 consignes, de la conférence et de la pratique d’Hervé Tullet, j’ai créé cet assortiment de consignes (cliquez sur le titre) : La cahier de créations.

Les enfants créent une fois par semaine sur un cahier fabriqué manuellement, regroupant différentes feuilles (tailles, formes, couleur, type de papier) afin de laisser le plus de liberté possible aux enfants.

Après un an d’expérimentation, ce format ne me convient pas  : certaines consignes sont trop directives à mon goût et ne permettent pas aux élèves de s’approprier l’espace feuille, de laisser cours à leur créativité. Le format « carnet avec plusieurs types de feuilles « est intéressant mais très chronophage dans sa fabrication. De plus, les enfants, n’ayant pas l’habitude, utilisent le carnet de manière classique : les pages l’une après l’autre, sans faire de lien entre la consigne et le choix du support.

A partir de là, une nouvelle réflexion arrive :

Comment permettre aux élèves de développer leur créativité propre tout en construisant des compétences sur les composantes artistiques et en développant une culture artistique commune ?

Deuxième expérimentation : la force des échanges

Des posts sur Instagram ont permis de créer un petit groupe de collègues qui voulaient réfléchir sur le carnet d’artiste (coucou les filles, Morgane, Sarah, Caroline et Karine ). Chacune avec son passé en art, ses forces, ses doutes, son fonctionnement de classe et ses questions. Les différentes réflexions ont porté sur le format (carnet, fabriqué ou acheté), sur les modalités (individuel, collectif, autonomie, guidé, durée …), sur les rencontres avec les artistes (avant, après, durant la séance) et sur les thèmes et consignes possibles.

Les différentes questions et idées ont fait avancer la réflexion collective autour de ce carnet puis chaque collègue s’en est emparée de manière plus personnelle. De belles idées sont nées, les carnets sont apparus dans les classes de manières différentes et complémentaires. Certaines ont publié sur le carnet d’artiste, leurs idées, leurs interprétations, n’hésitez pas à aller faire un tour sur leur page IG : Morgane, Sarah, Caroline et Karine.

Suite à ma première expérimentation et à mes habitudes en graphisme décoratif, ma réflexion s’est tournée vers :
– quelles consignes donner afin de laisser les enfants libres de l’interpréter et développer ainsi leur créativité ?
– comment faire réfléchir les élèves sur leur pratique artistique ?
– comment les aider à développer des compétences artistiques autres que de simples techniques artistiques ?

Je suis allée plus loin dans la réflexion en collaboration avec Karine : dans un thème défini, trouver des consignes ouvertes, situations problèmes qui seront les points de départ des séances mais aussi chercher des artistes qui apporteront différentes réponses au problème donné.
Il était important pour nous deux de ne pas nous éloigner des verbes des IO (encore merci Karine pour ces verbes, force de ta pédagogie que j’intègre de plus en plus dans la mienne) :
– agir : de manière libre le plus souvent possible et ainsi laisser les enfants interpréter la consigne.
s’exprimer : dire ses idées, verbaliser ses tentatives abouties ou non, discuter sur les productions du groupe
– comprendre : grâce au groupe et aux échanges, construire des notions, définir des termes et ainsi pouvoir expérimenter une nouvelle fois

Afin de n’oublier aucune composante artistique, nous avons articulé nos consignes autour de SMOG et RITA. Ces acronymes (Support Medium Objet Geste et Reproduire Isoler Transformer Associer) permettent de penser à chaque instant aux opérations et variables plastiques possibles.

A partir de ces différents échanges sont nées des séquences autour de REMPLIR, ACCUMULER, ORGANISER et LA SURFACE.
Dans deux autres articles, je vous présenterai les séances faites dans ma classe, nos idées de consignes et les interprétations de mes élèves de MS et GS.

Le carnet d’artiste dans ma classe : pour qui, quand, comment ?

Je propose ce moment de réflexion artistique à mes élèves de MS-GS. Les PS utilisent le carnet de manière très ponctuelle pour laisser trace d’une recherche, d’une découverte : mes premiers découpages, la fête des ronds, entourer …
Nous utilisons un carnet, format raisin, acheté chez Action (rayon peinture). Le papier est assez épais (style canson) ce qui permet de pouvoir utiliser aussi bien du feutre, que de l’encre ou de la peinture. Par contre toutes les feuilles sont identiques (mais ce sera l’occasion de faire réfléchir les élèves sur « le support feuille »).

Je fonctionne par séquence sur un grand thème artistique : 2-3 thèmes par an, en tournant sur 2 années comme je donne les mêmes consignes aux MS et aux GS.
Une fois par semaine, une consigne ouverte est donnée collectivement puis chacun part créer : 25-30 min de production libre puis 15-20 min d’échanges à partir des créations de tous. Les premiers échanges sont souvent descriptifs. Puis au fur et à mesure des séances, les enfants apprennent à observer plus finement, à faire le lien entre leur pratique, celle du copain et celles des artistes. L’argumentation, l’explication trouvent leur place dans leurs échanges.

Il y a, par moment, des temps de retour sur leur carnet, souvent en fin de période. Les enfants peuvent compléter, terminer la feuille de leur choix. J’aimerais à terme leur laisser ce moment de manière autonome, quand ils le souhaitent.

Voici donc mon cheminement, seule puis accompagnée, vers un carnet d’artiste qui me convient plutôt bien (certaines petites chose seraient à modifier, mais on verra plus tard). Aujourd’hui, les enfants aiment ce temps de création libre, de partage collectif.

« Tu as vu maitresse, tu donnes une seule consigne mais on ne fait pas tous la même chose sur notre carnet ! »
Les voir créer, oser, observer, se copier, inventer, argumenter, apprendre : un plaisir pour eux autant que pour moi.

Les séquences REMPLIR, ACCUMULER, ORGANISER et LA SURFACE sont détaillées dans deux autres articles.

 

7 comments

J’aime beaucoup l’idée car c’est très adaptable au multiple niveau! Par contre je bloque sur des exemples de consignes ouvertes. Aurais-tu une sorte de répertoire à partager ou un article qui donne des exemples?

Merci beaucoup pour ton passage par ici et l’intérêt que tu portes à mon travail. Il y a dans cet article des idées de consignes, celle de Marie-Eve et les miennes, fortement inspirées des siennes. Tu peux les avoir en cliquant sur les noms des documents. Je suis en train de rédiger 2 autres articles, présentant les séquences faites cette année : remplir et la surface.

Bonjour ! Un très grand merci pour le partage de vos réflexions et de votre pratique. je suis dans cette même dynamique de travailler non « à la manière de » mais de permettre à mes élèves d’être dans une démarche d’expérimentation, de création et d’échanges. Je suis impatiente de lire la suite de vos articles !

Bonjour,
merci pour votre message.
Déjà 3 articles sur le carnet d’artiste, j’en ai écrit il y a un moment sur la progression en graphisme décoratif qui reprend aussi cette manière de faire. Pour les suivants il faudra attendre un peu, que les idées viennent et que les élèves pratiquent. 😉

bonjour, je suis très heureuse que mes recherches servent à quelque chose! Quel enthousiasme, vraiment merci de mettre en œuvre ces pratiques
je recommande à tous, d’expérimenter ce petit carnet d’artiste qui fait le bonheur des enfants, aucun ne veut se séparer de son carnet, et celui de l’enseignant.
attention cependant à respecter au départ le protocole et les 10 min, sous peine de perdre quelques élèves, expérience oblige. Il nous a fallu 2 ans et demi pour trouver le bon protocole.
vous avez les articles paru sur ce sujet sur HAL
Ensuite de développer comme vous le faite des pratiques artistiques élaborées sur ces bases, c’est remarquables et bien vu! Les apprentis font souvent de bons chercheurs…. voire de « trouveur »!!!
Merci encore
Mary-Eve Penancier, euh avec un « y » Mary, pas grave…. j’ai l’habitude…..

Un grand merci pour votre commentaire et votre passage par ici.
Une conférence AGEEM qui m’avait interpellée et bien plu. J’ai testé, réfléchi, lu et adapté à mes objectifs et mes élèves.
Ces carnets sont des objets précieux pour les élèves, des moments agréables pour tous.
Un grand merci à vous Mary-Eve (erreur corrigée )

Merci aussi à vous, vous êtes mes relais et des perles pour l’éducation artistique!!
Si d’autres recherches vous intéressent, je poursuis un travail sur ce que j’appelle la « sur-représentation », qui est un accompagnement de la production des élèves
au fil du temps avec l’idée d’une continuité, ce qui est souvent peu pris en compte dans l’éducation artistique.
Mary-Eve

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