Dans cet article, vous trouverez plusieurs séances pour présenter l’album « la MOUFLE », travailler autour de la compréhension fine de l’histoire ainsi que des idées d‘évaluation.
Cet album a été abordé avec des PS, des MS et des GS. Les séances sont présentées niveau 1-2-3, car vous savez si vous me lisez souvent que j’aime mélanger les enfants selon leurs capacités et non pas leur section.
J’ai choisi ici de présenter le travail autour de la version ACCES. Cet album a été travaillé en réseau avec d’autres albums autour de « Comment les animaux se protègent du froid? » Il s’agissait d’un projet autour des oiseaux, arrivés en hiver, la question vient « Que font les oiseaux quand ils ont froid ? ». Nous avons donc comparer la littérature de jeunesse et les documentaires. Le projet sur les oiseux est détaillé ici.
Travailler autour d’un album
Avant de parler spécifiquement de la Moufle, je me permets un petit encart sur la lecture d’albums et les activités qui en découlent à l’école maternelle.
Un article est en cours d’écriture sur le sujet car il y a beaucoup à dire, à interroger dans nos pratiques … !
Tout d’abord, il est important de savoir pourquoi et comment on choisit un album (thème, lien texte / image, inférences, culture …). Ensuite, il est aussi pertinent de réfélchir à comment on va le présenter à la classe. Par habitude (comme beaucoup de choses à l’école 😉 ), les albums sont souvent présentés aux élèves de manière identique : émission d’hypothèses sur la couverture, lecture entière ou pas, puis puzzle de la couverture, remise en ordre chronologique des illustrations.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire ces activités mais elles sont à interroger : sont-elles pertinentes ? qu’apportent-elles aux élèves au niveau de la compréhension ? Les enfants lèvent-ils des obstacles ou pas ? Parfois, elles sont intéressantes pour certains albums pour d’autres non.
Pour en revenir à notre album La Moufle : cacher en partie la couverture et faire deviner aux élèves ce qui va se passer ne montre aucun intérêt.
La couverture présente une moufle dans la neige ! OK ! Mais aucun indice visuel ou textuel dans le titre ne permet de savoir que des animaux vont rentrer dedans. Les hypothèses seraient juste des idées que les enfants donneraient sans faire de lien avec des indices ou des connaissances antérieures. Cela ne feraient avancer en rien la compréhension de l’album.
Je vous propose donc d’autres manières de présenter cet album en classe.
Présentation de l’album, La Moufle, 3 niveaux de difficulté
3 manières différentes de mener la découverte de l’histoire (et non pas de l’album pour le moment!), selon leur niveau de langage. Le groupe présent avec la maitresse (6-8 enfants) sait qu’il va découvrir une nouvelle histoire mais n’a jamais vu l’album et ne connait pas le titre.
Niveau 1 : enfants qui ont encore des difficultés à s’exprimer de manière libre
Je raconte l’histoire avec une moufle et des marottes. Je raconte, donc je ne cite pas exactement le texte, mais je me suis imprégnée de la syntaxe répétitive utilisée par les animaux et du lexique choisi autour du froid.
Voici ici les personnages : personnage moufle
Niveau 2 : enfants plus à l’aise en langage qui peuvent décrire, commencer à expliquer des idées
Chaque enfant reçoit une illustration et la décrit. On s’attarde à observer précisément les détails dans les images et plus précisément les émotions des personnages. Pour le moment, les enfants n’ont pas entendu le texte et pourtant de premières idées apparaissent.
Voici les illustrations choisies pour la séance : illustration-moufle
Niveau 3 : des enfants experts en langage qui maitrisent décrire, raconter, expliquer, émettre des hypothèses
Je donne aux enfants la dernière illustration et leur demande d’imaginer ce qu’il a pu se passer avant. Afin que chacun donne son idée, cette recherche se fait de manière individuelle par le dessin.
Ici l’émission d’hypothèses est pour moi pertinente (et différente d’émission d’hypothèses sur la couverture) car il y assez d’indices pour permettre aux élèves de resserrer leur champ de recherche, de faire des liens avec des connaissances, d’autres albums… Le « CRAC » montre que quelque chose a explosé, les petits bouts rouges, la tête des personnages …
Lors de la mise en commun, nous écoutons les hypothèses mais surtout leurs justifications. La lecture de l’album viendra valider ou non leurs idées.
La Moufle étant un classique, certains connaissent l’histoire et cela fausse un peu la séance, mais tous n’arrivent pas à faire le lien. D’autres ne connaissent pas du tout l’histoire et imaginent un arbre avec ses feuilles perdues en automne, par exemple.
Voici l’illustration de la dernière page : fin-moufle-GS
Émotions des personnages et compréhension de l’histoire
« Comprendre une histoire« , qu’est-ce que cela veut dire ? et cela sera développé dans un article prochainement
PEROZ dit « La compréhension est un processus complexe, une attitude intellectuelle qui se développe par un questionnement ouvert, des activités de classement, un rapprochement des éléments et savoirs culturels, ET PAS seulement un schéma linéaire donc une organisation chronologique des illustrations. »
Il faut avoir conscience qu’amener nos élèves à comprendre un album n’est pas chose aisée. Les didacticiens et chercheurs réfléchissent encore chaque jour sur ce vaste sujet. La plupart du temps, nous sommes dans l’évaluation de la compréhension sans même l’avoir travaillée. Par exemple, une question fermée sur une ruse permet juste de montrer si l’enfant sait mais cela ne l’aide pas à la comprendre !
Nous voyons souvent « exploitation de l’album » ce qui équivaut à « tirer parti, utiliser de manière avantageuse » l’album!
Et si nous arrêtions de dénaturer les albums avec des fiches d’exploitation, toujours le même genre quelque soit l’album : puzzle papier de la couverture, reconstituer le titre, placer les personnages dans un quadrillage, compter les personnages, graphisme en lien avec le personnage principal…Je ne dis pas que les fiches sont inutiles pour les élèves, non ! Elles permettent seulement de s’entrainer à faire correspondre les graphies, à se repérer dans l’espace, à dénombrer, à tracer des graphismes, c’est à dire d’autres compétences indépendantes de la compréhension de l’histoire.
Et si nous analysions plus finement l’album, en nous demandant quel message veut faire passer l’auteur ? quelles difficultés peut rencontrer un jeune lecteur ? (ellipse temporelle, humour dans la chute, compréhension de la ruse, duplicité des personnages, lien avec d’autres albums à faire et donc à connaitre, stéréotype du personnage détruit…)
Ainsi il apparait logique que les séances de compréhension sont propres à chaque album, selon les obstacles rencontrés.
Comprendre l’histoire, 3 niveaux
Dans la Moufle, selon moi, voici les obstacles à développer avec les élèves :
- les animaux sont de plus en plus serrés donc de moins en moins à l’aise car la moufle se remplit
- chaque personnage est toujours plus gros que le précédent , ils arrivent donc dans un ordre logique
- selon la version, la fin ! L’ours ou la fourmi font craquer la moufle, cela laisse place au débat
Dans cet article, je détaillerai mes séances sur les émotions des personnages avec plusieurs manières de les aborder, selon les objectifs et les compétences des élèves. D’autres séances sont venues en parallèles : comparaison des versions pour les élèves les plus avancés (cf photo), raconter l’histoire avec des marottes
Les séances présentées ci-dessous, se déroulent en petit groupe de 6-8 enfants. Un élève peut n’en faire qu’une, parfois 2 différentes car il a besoin de plus de temps, de plus d’aide. N’oublions pas qu’ils ne sont pas tous obligés de faire toutes les séances car ils n’en sont pas tous capables ou n’en ont pas tous besoin.
Première possibilité : décrire les émotions des personnages
A partir des illustrations où les personnages sont dans la moufle, imiter et nommer leurs émotions. Pour cela, l’illustration est d’une grande aide SI l’enfant est capable de la lire. Il faut dont les aider à décrypter les émotions visibles mais aussi tous les indices iconographiques : les petits traits qui montrent que la souris tremblent, l’œil apeuré de la souris quand l’oreille du lapin goutte sur elle …
Deuxième possibilité : se mettre à la place de
Chaque enfant choisit un personnage. On peut rejouer l’histoire en s’aidant du livre (ou pas selon la connaissance des élèves), mais ce qui est important c’est de verbaliser ce que ressent le personnage. Comment est-il ? Pourquoi ? La souris est plus à l’aise que le renard. Le renard est écrasé.
Différenciation possible : illustration avec 3 – 4 ou tous les personnages / plusieurs illustrations ou une seule.
L’intérêt, ici est de chercher ensemble et non pas de parler que sur un personnage. Si vous utilisez plusieurs illustrations, vous pourrez mettre en avant l’évolution d’un même personnage.
Troisième possibilité : faire parler les personnages
Une belle séance de dictée à l’adulte. Et si les personnages parlaient ou pensaient (lien avec les bulles de BD), que diraient-ils ?
Pour mener cette séance, nous complétons les bulles avec un petit groupe d’enfants . La différenciation se fait au sein même de la séance, entre les enfants qui répètent les propos de certains, ceux qui complètent ou enrichissent le lexique.
Lors de cette séance, les élèves vont jouer sur le lexique, les types de phrases donc la ponctuation et la syntaxe. Comment dire que la souris est contente ? Que dirais-tu à sa place ? « je suis bien! » mais aussi » hmmmmmmh » Comment montrer l’agacement du renard ? Il n’est pas content. Il donne un ordre, on peut mettre un point d’exclamation
Document avec les illustrations et bulles : comprehenion-emotion perso
Chronologie et compréhension
Je disais plus haut que la chronologie des illustrations était un classique à interroger alors pourquoi le proposer ici à mes élèves ?
Ici, les enfants pourront réussir même s’ils ne connaissent pas l’histoire ! Ils vont devoir mettre en jeu des stratégies de lecture d’images et non pas juste appliquer une connaissance par cœur de l’histoire.
Deux possibilités pour la chronologie dans la Moufle, soit on choisit de donner les illustrations montrant l’intérieur de la moufle ( mon choix ici ), soit celles où un nouvel animal se présente devant la moufle.
Dans le cas 1, les animaux s’ajoutent un par un dans la moufle. Il suffit donc d’ordonner les illustrations dans l’ordre croissant des animaux. illustration-moufle
Dans le cas 2, comme on ne voit plus l’intérieur de la moufle, il faut prendre d’autres indices : la moufle grandit, les animaux déjà rentrés ont laissé des traces dans la neige.
Concrètement, voici comment se déroule ce genre de séance :
- c’est une séance d’apprentissage avec la maitresse en petit groupe (et pas seulement un exercice sur table)
- une phase de recherche en binôme, pour favoriser les échanges. Ils placent les images sur une bande (gommefix et carton)
- lors de la mise en commun, je choisis les groupes qui ont eu des échanges intéressants (et pas toujours ceux qui ont bon!). Les échanges entre les groupes permettent de valider ou non une proposition, les arguments sont écoutés. Le livre donne la validation finale
- pendant la phase de structuration, les indices qui ont permis d’ordonner les illustrations sont rappelés
- La différenciation se fera sur le nombre d’images choisies, mais aussi si la recherche se fait en binôme, seul, avec l’adulte
Ainsi ce rangement chronologique des illustrations a permis de mettre en avant des détails qui facilite la compréhension de l’histoire.
Et pour évaluer la compréhension d’une histoire
Lors de l’évaluation, je vise plusieurs critères : la connaissance de l’histoire, le respect de la chronologie si elle est pertinente mais aussi l’interprétation de l’enfant. Je ne souhaite pas qu’ils me récitent de tête l’histoire mais qu’ils arrivent à rentrer dans l’histoire, à donner des émotions aux personnages, à faire ressortir celles décrites à leur manière. Ici les enfants vont réinvestir la syntaxe qui se répète animal après animal et le lexique autour du froid. Mais qu’ils disent « givré » pour le sanglier ou le lapin n’est pas important pour moi : cela ne perturbe pas le sens de l’histoire.
Comme les séances amenant les élèves à comprendre une histoire, l’évaluation est différente selon l’album, selon la classe. Si je souhaite qu’ils racontent l’histoire, selon leurs capacités, cela se fera avec support imagé, sans support imagé, avec l’aider plus ou moins présente de l’adulte.
Évaluation et numérique
Un outil que j’adore utiliser pour le langage oral : le numérique. Ici Book Creator !
Le livre est prêt avant la séance, chaque enfant s’enregistre ensuite seul. J’écoute les histoires plus tard. Je peux ainsi prendre le temps d’évaluer la syntaxe, la connaissance de l’histoire, le réinvestissement du lexique. Cette évaluation va me permettre de retravailler avec certains la compréhension de l’album et de savoir où ils en sont en construction syntaxique, en connecteurs logiques, temporels …
Évaluation et manipulation
Une manière ludique de permettre aux enfants de raconter l’histoire est de leur fournir de quoi jouer l’histoire, de quoi manipuler les personnages, les lieux. Les objets peuvent être collectifs (marottes de classe, tapistoires) ou personnels comme pour la Moufle.
La différenciation est visible (personnage en relief pour les PS et dessinés pour les MS GS, certains ont juste colorié) mais ne joue pas sur la compréhension.
Évaluation et chronologie
Il est tout à fait possible de donner, à faire de manière individuelle et sur table, le travail de chronologie fait précédemment en groupe. L’enfant pourra retrouver un ordre logique sans utiliser toutes les illustrations de l’album et mettra en jeu une observation fine de l’image.
fiche d’évaluation sur la chronologie : chrono-MOUFLE
Matériel autour de l’album
Quand nous découvrons un album, nous travaillons la compréhension selon des obstacles que j’ai repérés. Cet album sert aussi de support pour de l’entrainement de certaines compétences, différenciées selon les enfants.
Voici des exemples d’entrainement autour du langage écrit : reconstituer un mot lettre par lettre, associer des mots identiques avec modèle éloigné ou proche, prendre des indices dans des cartes lexiques, composer une phrase.
Voici les documents permettant ces entrainements : associer nom personnage-MS / associer nom personnage-GS / reconstituer mot / étiquette mot pr phrase- moufle / carte lexique-la moufle
Je vous partage aussi un jeu créé en lien avec l’histoire qui permet de développer la prise d’indices dans les cartes lexiques, les différentes graphies et pourquoi pas la lecture pour ceux qui en sont capable. Les enfants le découvrent en classe, en séance avec la maitresse. Puis il l’emmènent dans les famille chacun leur tour dans une valise de savoirs, avec une fiche expliquant les règles du jeu. Une manière de faire voyager nos albums mais aussi nos apprentissages hors des murs de l’école.
document pour créer le jeu : jeu la moufle
fiche de règles pour les parents (valise de savoirs) : valise remplir sa moufle
Merci à vous pour la lecture de ce grand article.
J’espère vous avoir montré d’autres manière de faire pour travailler autour d’un album.
Et surtout n’oubliez pas, un album se choisit aussi selon des obstacles à lever avec les enfants.
merci pour cet article très intéressant!
Merci Delia pour ce super article!!! Que de bonnes idées, conme d’hab,, pour nous questionner ainsi que nos pratiques!
merci Bérénice pour ta lecture et ton engouement. C’est tellement important d’interroger nos pratiques selon les enfants, les projets et nous-mêmes. Nous évoluons tellement dans ce métier.
Merci Délia pour ces beaux projets très détaillés. Je me lance sur le projet des oiseaux. J’avais déjà prévu de travailler sur « une petite oie pas si bête » de Narrasmus et de faire éclore des poussins en classe. Ton projet va donner du sens et lier mes activités. Je te félicite pour ton travail.
merci beaucoup pour toutes ces compliments 😉
Merci beaucoup pour toutes ces ressources et ces apports pédagogiques !
merci pour ta lecture. Je pense qu’il est nécessaire d’avoir ces apports pédagogiques pour aider au mieux nos élèves, les comprendre.